Je suis née en hôpital. J’ai bu au sein de ma mère, suis tombée des bras de mon père, les infirmières se sont trompées de tour. Dans les bras d’un grand ours, je me laisse bercer et reprends peu à peu conscience. Où est-il ? Qui ?…
Les comparaisons s’arrêtent-elles déjà là ? La musique encore peut-être : il était devenu présentateur de radio pour la musique classique ; j’ai souvent bien du mal à m’y intéresser, la délaissant volontiers pour plus de variétés.
Des ondes. Des sons confus m’atteignent. Des mômes pleurent. Les vitres rectangulaires renvoient en même temps que les sons et en les diffusant, des images de reflets. Ma vue est encore bien floue. Aux fonds des caissons, des coussins de tissus à bouclettes. On peut y déposer les braillards par la face supérieure, gentiment ouverte.
Ah !
Une sensation fugace : je suis née de justesse ; je le voulais bien. Je suis née pour l’aimer. Mais il s’échappe, ne veut pas ? Non !!!
Un adulte en blouse blanche sur une chaise. Il se soucie de trouver ma sœur. Il lisait.
Oh, où est-il ? Elle. Le temps de le retrouver…
Seule la voix ne ment pas. (Je le retrouverai à l’oreille!) Un claquement de porte au loin, des petits pieds poussant le sol, …sa main sur le chambranle, ma sœur de trois ans.
Déjà imposant, s’imposant dès lors. Les mouches volent. C’était déjà le début de la fin. Je commençai à en avoir peur.
Nounours se retourne, une fillette s’embraille. Panique. Alors qu’il se meut vers le cri, deux-trois autres bébés enchaînent. Par-dessus son épaule, j’aperçois un autre infirmier venir à la rescousse.
Pourquoi a-t-il fuit ? J’ai juste le temps de réfléchir un peu à la question. Je pense que mon âme a flotté un moment dans l’intersidéral avant de s’incarner. Elle tombe à chaque fois dans un corps, en une sorte de tourbillon. Soudain, je me suis rendue compte. J’étais moi ! Et c’est là que j’ai crié. Combien sommes-nous à nous retrouver, de cette époque, des suivantes ? Des nouvelles âmes pourront-elles encore apparaître ?
Mais entre-temps, tranchant le flou de ma pensée, sa voix à percé. Il est là, lui, mon élu, lui, ma lumière.
Un flash. Un souvenir, déjà ?
Un bébé dans les bras d’un homme. Il la regarde. Et au lieu de l’emmener téter sa mère, se rend compte, se saisit et le laisse tomber. Il essaye de le rattraper à mi-course, ne se demandant même plus s’il a pu l’engendrer. Il ne saura…, trop tard ! L’enfant crie.
Elle avait touché le sol, sa grosse tête le heurtant et rebondissant de plus belle. Etait-ce …? Était-ce moi ? Plus rien.
J’angoisse. Avant que l’on m’installe à ses côtés, il se tait déjà. Un autre a enchaîné. Alors, c’est à côté de ce deuxième que l’on m’a déposée. Mais attention, délicatement. Un moment en suspend.
Faudrait quand même qu’il se calme ! Qu’ils se calment ! En attendant j’essaie de percevoir l’agitation de mon Jules. On a dû le mettre entre deux filles. Les filles, c’est calme, et ça apaise.
Je m’endors en serrant les mâchoires.
Rêves de textes sacrés, de paradis perdus.
En me réveillant, je ne sais plus trop auprès de quelle âme je me trouve.
Souvenir flou d’une âme comme désincarnée, ou plutôt non : son contraire ! Un corps inhabité, vidé, mais par qui, pour quoi ?!?
Souvenir enfin, souvenir d’un frôlement, …caresse trop facilement ravivée
6 réponses à Sélection: la force de l’auto-censure? Voici « il était comédien ».