Je ne m’intéresse pas
Je ne m’intéresse plus
Plus de 35 ans que je ne vis qu’avec moi
Plus de 35 ans qu’on me cache à moi-même
Mais oui, il m’aurait importé de savoir qui je suis, par qui j’aurais du être élevée
Il m’importait de connaître mon prénom et à quelle famille ressembler
Si je m’étais appelée Célinette
J’aurais abouti dans ces bras
Mais maintenant je suis moi
Et j’ai envie de vous rencontrer
Je vis avec lui, il est calme et taciturne
Une eau calme et plate
Surtout pas croupissante
Mais je lui téléphone
Lui parle, à elle
Elle qui fut ma mère
Qui m’a fait monter le rouge aux joues
Elle peut-être qui me cache tant
Elle sait
Comment parler de photos d’enfance,
Quand j’ai envie de parler de ma mère
Qui s’occupait de nous, faisait tout,
Y compris les photos ?
Mais comment être au four et au moulin ?
L’ennui, c’est que je ne peux même pas écrire ça,
Puisqu’ils s’indigneraient :
« Ce n’est pas vrai ! », Papa aussi vous aimait.
Je ne reconnais plus ma mère depuis qu’elle s’est coupé les cheveux
Ma mère ne me reconnaît sûrement plus depuis qu’on lui a coupé les cheveux
Ma mère avait les cheveux longs
Elle m’a perdu moi, après avoir teinté ses cheveux en blond
Et de quelle couleur suis-je, alors, moi ?
33 ans ont passés.
Ce qui me trouble toujours
Après tout ce temps
C’est d’avoir échappé à un attentat
A trois ans à peine.
Ce matin, la vie commençait
J’avais demandé de pouvoir aller jouer à la cour de récré, sa pelouse et son bac à sable.
J’ai compris que les miens avaient d’autres projets, mais trop tard, j’étais dehors et trop petite pour rouvrir la porte.
Je m’en vais donc, un peu sonnée, un peu désolée, oubliant vite.
Quelques dalles plus loin, me voilà à la plaine.
Chic, de nouveaux agrès !
Mais là-haut, les grands gaillards dans les filets me rappellent que je suis trop petite.
Reste le bac à sable.
Tiens, la voiture des parents devant les grilles de la cour ?
C’est trop loin, mes châteaux m’attendent.
Mais là, un grand trou, un cratère !
Plus rien ne bouge, je suis seule,
Je m’en rend compte sous l’orage
Où vais-je manger ?
Un petit garçon vient quand même me tendre la main.
Ma famille est morte, je n’ai plus que lui
Et son papa peut-être
Pourquoi, avec qui t’es-tu marié ?
J’ai gagné au lotto,
J’ai donc directement pensé à acheter le château de mes rêves.
Mais voilà, il appartient à l’Etat…
J’y reviendrai sûrement divaguer pendant l’été.
6 réponses à Moi et les visages des miens